L’entreprise libérée, utopie ou source de bonheur au travail ?
Mis à jour le 30 mai 2023
L'entreprise libérée, un modèle de management utopiste ou une piste pour penser l'entreprise de demain ? Apparu dans les années 1990 aux États-Unis sous la plume de Tom Peters, un auteur spécialiste en management, le terme d'entreprise libérée a été théorisé il y a une dizaine d'années et depuis, plusieurs ont tenté de transposer la théorie en pratique. S'appuyant sur la responsabilisation et l'initiative du personnel, ce modèle offre un changement radical de perception du management. Sujette à débat, cette nouvelle façon de vivre l'entreprise est encore méconnue en France. Voici les clés pour comprendre son fonctionnement.
Qu'est-ce que l'entreprise libérée ?
Une entreprise libérée est une entreprise dans laquelle les membres du personnel peuvent prendre des initiatives individuelles, sans que des directives leur soient imposées. Cette partie montre à quoi fait référence la théorie de l'entreprise libérée et quels sont ses avantages potentiels ou ses inconvénients dans sa mise en œuvre au quotidien.
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Définition et cadre théorique
Brian Carney, professeur à l'ESCP, et Isaac Getz, journaliste, ont publié ensemble en 2012 l'ouvrage intitulé Liberté & compagnie : quand la liberté des salariés fait le succès des entreprises. Ils y définissent l'entreprise libérée de la manière suivante : « une forme organisationnelle dans laquelle les salariés sont totalement libres et responsables dans les actions qu'ils jugent bon d'entreprendre ». En clair, la théorie repose sur l'esprit d'initiative du personnel, car il est considéré comme le plus à même de prendre les bonnes décisions, compte tenu de sa présence quotidienne au travail.
Les avantages théoriques de l'entreprise libérée
Selon les adeptes de l'entreprise libérée, ce mode de management offre plusieurs avantages pour le développement de l'entreprise. Les voici :
La libération des contraintes offre un meilleur esprit d'initiative au personnel par rapport à un système de management traditionnel.
La liberté d'initiative a pour effet de doper l'innovation au sein de l'entreprise.
La responsabilisation du personnel fait naître en lui un sentiment de reconnaissance, ce qui a pour effet d'améliorer sa productivité et son rendement.
Les membres du personnel développent un fort sentiment d'appartenance à l'entreprise, car leurs réalisations ont un impact, ce qui les fait se soucier davantage de la réussite de l'entreprise.
L'information est partagée à tous les niveaux de l'entreprise, ce qui permet une plus grande transparence entre services et membres de l'entreprise.
La concurrence interne est amoindrie si les responsabilités sont partagées et si des primes de réussite collectives sont attribuées, créant ainsi une plus grande cohésion collective.
Les inconvénients théoriques de l'entreprise libérée
Pour les personnes qui n'adhèrent pas à cette nouvelle forme de management, l'entreprise libérée est considérée comme une utopie apportant uniquement des nouveaux problèmes structurels et humains. Ceux-ci comprennent :
une adaptation trop compliquée, surtout en France où le système pyramidal prédomine ;
plus de travail pour les membres du personnel sans augmentation de salaire, la croissance du sentiment d'appartenance à l'entreprise engendrant davantage d'engagement ;
les dérives de pouvoir avec la formation de groupes dominants ;
un stress supérieur à la moyenne, en raison du degré élevé de responsabilisation et d'implication ;
l'utilisation de ce modèle pour réduire le coût du travail au profit d'un rendement supérieur et au détriment du bien-être du personnel ;
le développement d'une situation désorganisée, les membres de l'entreprise échappant progressivement au contrôle de leur hiérarchie.
Comment fonctionne l'entreprise libérée au quotidien ?
Maintenant que vous avez saisi les aspects théoriques de l'entreprise libérée, vous allez découvrir comment ceux-ci s'appliquent sur le terrain. Les nouvelles prérogatives pour le personnel, le rôle chamboulé des managers ou la question du salaire : l'entreprise libérée bouleverse les croyances habituelles du monde de l'entreprise.
Des nouvelles prérogatives pour le salarié
Des horaires de travail trop stricts ? Des congés imposés durant la première quinzaine d'août ? Des objectifs élevés que vous n'arrivez jamais à atteindre, sous la pression de managers qui vous répètent tous les mois que votre travail n'est pas assez bon ? Avec l'entreprise libérée, vous pouvez oublier ces contraintes. Les membres du personnel décident de tout : la durée de leurs congés, le moment où ils sont posés, leurs heures de présence au bureau, la délimitation de leurs objectifs... Ceci a pour effet de motiver le personnel, qui a tendance à rendre la confiance qui lui est accordée.
La question du salaire
Le salaire est fixé directement par les membres de l'entreprise, en respectant une certaine logique de marché et d'entreprise. Comme dans la partie précédente, l'aspect de la rémunération repose sur du bon sens et généralement, le personnel n'augmente pas considérablement son salaire, bien au contraire. Tel que le soulignent les personnes critiques du modèle de l'entreprise libérée, le personnel a tendance à travailler plus d'heures pour une paie équivalente, car sa satisfaction au travail est décuplée par son degré de responsabilité plus élevé.
Le rôle des managers
Si le rôle des managers se trouve transformé, on ne peut en déduire que les responsables n'ont plus d'utilité. Il s'agit plutôt de repenser la façon dont les managers interviennent vis-à-vis du personnel. Leur rôle est désormais d'encourager et de guider, plutôt que de restreindre, de donner des ordres et de fixer des objectifs. Les responsables conservent leur statut par rapport à leur expérience, leur vécu et leur vision, mais accompagnent plutôt que de brider. Concrètement, au lieu de dire aux membres du personnel « tu n'as plus le droit à l'erreur », les managers leur disent « tu as le droit à l'essai ».
Comment instaurer le modèle d'entreprise libérée sur une structure déjà existante ?
Il existe deux manières d'envisager le changement de modèle de management. L'une est la méthode radicale, où le changement a lieu quasiment sans étape intermédiaire, et l'autre mise sur une transition plus en douceur.
La méthode radicale
La direction de l'entreprise a décidé d'arrêter de fonctionner en pyramide : des réunions sont instaurées pour redéfinir les contours des missions de chaque personnel, avec des managers qui présentent les conditions et attendent de voir la réaction du personnel. Cette méthode peut être bouleversante et susciter de grandes angoisses. Pour instaurer un modèle d'entreprise libérée, il vaut mieux probablement privilégier la manière douce et transitoire, qui rencontre plus de succès.
La méthode progressive
Il s'agit d'un bon moyen de savoir si les membres du personnel réussiront à s'adapter ou non à ce nouvel environnement de travail. La culture entrepreneuriale française étant fondée sur le système pyramidal, les changements sont plus facilement acceptés s'ils sont présentés sous forme de phases d'essai et d'adaptation. Le but étant que les principes soient intégrés pour réussir la transition. Parfois, certaines personnes abandonnent, car elles ne sont pas prêtes au changement : il y a toujours un risque de décrochage lors d'une révolution d'entreprise.
Liberté totale ou liberté contrôlée ?
Pour que la méthode de l'entreprise libérée fonctionne, les idéologues imaginent une liberté totale, puisque la multiplication de contrôles ou la limitation de cadres trop stricts ont tendance à décourager les initiatives. Il n'est en effet pas productif de dire au personnel « vous êtes libres » et, le jour suivant, leur dire « vous êtes libres mais ». Le maître-mot de ce modèle est la « confiance ». Confiance de la hiérarchie vis-à-vis de son personnel et inversement, le but étant que tout le monde suive le même objectif, celui de servir l'entreprise.
Deux exemples d'entreprises françaises qui ont appliqué la méthode de l'entreprise libérée
En France, la direction de certaines entreprises a été convaincue par le modèle de l'entreprise libérée. Ces responsables donnent régulièrement des interviews à ce sujet et évoquent une transition et une mise en place efficaces, qui ont su convaincre le personnel. Découvrez deux exemples néanmoins contrastés.
Chronoflex
Situé à Saint-Herblain, près de Nantes, Chronoflex est spécialisée dans le dépannage de flexibles hydrauliques. Influencé par les auteurs adeptes de la libération du personnel, le PDG, Alexandre Gérard, donne l'autonomie aux 260 membres de son entreprise en 2012. Parmi les initiatives prises, on peut citer la communication des marges de l'entreprise, la suppression des places de parking privilégiées et surtout un nouveau système de rémunération : primes de 15 % sur la rentabilité individuelle, sur la rentabilité collective d'un service et sur la rentabilité de l'entreprise. Les chiffres globaux explosent assez vite et, même s'il y a eu quelques problèmes, Chronoflex a su se redresser.
Auchan Saint-Quentin
De grands groupes ont aussi expérimenté le modèle de l'entreprise libérée, comme Auchan en 2013 dans son magasin de Saint-Quentin. Le personnel a d'abord été enchanté, car même les personnes qui n'avaient aucune responsabilité ont pu prendre des initiatives. Seulement, des postes de cadre ont été supprimés sans pour autant que la rémunération des membres du personnel évolue. La charge de travail a augmenté et le personnel a manifesté dans la rue. Après un an, l'expérimentation a été arrêtée. Certaines personnes estiment que le modèle de l'entreprise libérée ne peut s'appliquer aux grands groupes, car ils ne parviendraient pas à créer suffisamment de transparence.
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