Jobnews by Indeed, c’est le podcast qui décrypte l’actualité de l’emploi.
Il y avait en France au deuxième trimestre 355 400 emplois vacants. C’est 69 % de plus qu’au quatrième trimestre 2019, avant la crise sanitaire. 35% des français n’ont jamais eu autant envie de démissionner, Est-ce que la grande démission dont on a déjà parlé a vraiment gagné la France, où faut-il voir d’autres raisons à cette hausse continu du nombre d’emplois non pourvus ?
De nombreux secteurs d’activité sont en pénurie de main d’œuvre. Selon l’Insee, 67 % des chefs d’entreprise dans l’industrie manufacturière déclarent avoir des difficultés à recruter. Cela dépasse même les 70 % dans l’agroalimentaire et les équipements électriques.
Dans la dernière étude du Hiring Lab d’Indeed, quels étaient les secteurs qui avaient le + de difficultés à recruter ? Quelle est la tendance en cette rentrée de septembre ?
Face à cette situation de pénurie de talents, quelles sont les possibilités pour les entreprises ? Dans quelles mesures, les process de recrutement des entreprises peuvent-ils évoluer ?
Vers plus de transparence des entreprises dans les offres d’emploi
La question du salaire est également une donnée importante pour les candidats à la recherche d’un emploi. Depuis le mois de septembre, Indeed incite les entreprises à publier dans leurs offres d’emploi, les salaires qui vont avec le poste à pourvoir, pour quelles raisons ce souhait de plus de transparence ?
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Bonjour Eric Gras. Je rappelle, Eric, que vous êtes le spécialiste du marché de l'emploi pour Indeed en France.À quel niveau, le 9 septembre dernier se situait le volume d'offres d'emploi sur Indeed France par rapport à son niveau de référence prépandémie du 1ᵉʳ février 2020 ?
On est à +53,8 % pour être précis d'offres d'emploi en plus qu'avant cette période, en effet, prépandémique.
Quels sont les secteurs ou les offres d'emploi qui ont le plus progressé ? Quels sont aussi finalement les métiers qui recrutent le plus ?
Tous les secteurs sont en tension. C'est ce qui est nouveau avec cette reprise, mais ce sont les professions dites essentielles : santé, soins à domicile, transport, logistique, sécurité qui affichent toujours des progressions les plus importantes, avec un volume d'offres en augmentation de 74 % en moyenne, donc au regard des 53,8 % que j'ai donné tout à l'heure. Et les recrutements dans les métiers du tourisme et de la restauration progressent, eux, de 63 %. Donc, ça reste en tension. Les métiers du bâtiment, de l'habitat, essentiellement composé de métiers d'architecture, construction, installations de maintenance et immobilier se situent encore à 18 % au-dessus de leur niveau d'avant-crise.
Alors, en fonction du nombre de clics observés maintenant, quels sont les métiers qui, à priori, attirent le plus de candidats ?
Alors, on constate une nette augmentation des clics sur les professions d'aide à domicile : garde d'enfant, soins infirmiers, génie civil, restauration, transport, logistique, les métiers de data scientists aussi. On a une augmentation du nombre de clics, mais il faut toujours corréler ça avec l'évolution du nombre d'offres d'emploi. Donc, il y a une évolution du nombre de clics. Mais l'évolution du nombre d'offres d'emploi sur ces métiers-là est plus important que le nombre de clics.
Donc, il y a un peu plus de candidats en valeur absolue, mais en valeur relative, ben, à chaque fois, on se retrouve avec moins de candidats potentiellement qu'avant la crise.
Et on se retrouve avec de nombreux emplois vacants. Il y avait en France, par exemple au deuxième trimestre, 355 400 emplois vacants. C'est 69 % de plus qu'au quatrième trimestre 2019, avant la crise sanitaire. 35 % des Français aussi n'ont jamais eu autant envie de démissionner. Est-ce que la grande démission dont on a déjà parlé dans le Job News a vraiment gagné la France ? Ou faut-il voir d'autres raisons à cette hausse continue du nombre d'emplois non pourvus ?
Alors, en France, on ne parle pas de Grande Démission, mais plutôt de Grande Mutation. Parce qu'aux États-Unis, on quitte son job souvent pour ne plus travailler ou avoir un changement radical. Là, on parle de Grande Mutation parce qu'il y a en effet environ un demi-million de personnes qui démissionnent chaque trimestre, ce qui est considérable. Et ça s'explique avant tout par un désir d'ajustement. Trouver une meilleure rémunération, un emploi plus près de chez soi, un meilleur équilibre vie pro, vie perso, des meilleures conditions de travail. Et donc, les gens vont changer d'entreprise, pas forcément de métier pour trouver ce meilleur équilibre. Il faut savoir que quand les gens démissionnent en France, sur ces fameux chiffres, il y a 80 % qui retrouvent un emploi immédiatement. Donc, on démissionne pour trouver un emploi qui me correspond mieux.
Et en fait, ce qu'il faut avoir en tête, c'est que la Covid a mis sous cloche les désirs de démission pendant un an et demi. Il y a des gens qui souhaitaient déjà démissionner, qui n'étaient pas bien dans leur entreprise et comme aujourd'hui, on a basculé dans un marché qui est plus favorable aux candidats. Il y a aussi une forme de phénomène de rattrapage qui s'applique.
Alors, de nombreux secteurs d'activité sont en pénurie de main d'œuvre. Selon l'Insee, 67 % des chefs d'entreprise dans l'industrie manufacturière déclarent avoir des difficultés à recruter. Cela dépasse même les 70 % dans l'agroalimentaire et les équipements électriques. Dans l'industrie, deux entreprises sur trois ont des difficultés de recrutement. Du jamais vu depuis 31 ans. C'était le titre du mois de juillet du journal Les Echos. Dans votre dernière étude, quels étaient les secteurs qui avaient le plus de difficultés à recruter ?
Tous les métiers ont du mal à recruter, mais dans les proportions les plus importantes, ce sont les métiers du retail, du génie mécanique électrique, l'aérien a à nouveau du mal à recruter, l'armée, l'immobilier, propreté-hygiène, comptabilité et les ressources humaines. Donc les entreprises qui recrutent ont du mal à recruter des recruteurs.
Et quelle est la tendance en cette rentrée de septembre sur le marché du travail ?
Alors, la tendance c'est une reprise à nouveau de l'augmentation du volume d'offres. L'été est resté très soutenu vu que jamais on constate que les tensions sont toujours bien présentes. Il y a eu une légère baisse de l'augmentation des offres début juillet, sachant qu'on était sur une courbe qui ne faisait que croître. Donc, il y a eu juste un tout petit tassement début juillet, mais une reprise de la hausse quasi immédiate. Donc il n'y a pas eu de pause estivale.
Face à la situation de la pénurie de talents, quelles sont les possibilités pour les entreprises ? Est-ce que leurs process de recrutement ont évolué ?
Il n'y a pas assez d'évolution, ben déjà parce que le marché a évolué très vite. Et donc, il faut aussi faire évoluer au sein des entreprises les habitudes, les organisations, les outils. Donc parfois, ça prend du temps. Ce n'est pas toujours facile d'être agile.
Ceux qui avaient entamé une démarche avant ou même pendant la Covid s'en sortent mieux parce qu'il y a vraiment besoin d'anticiper. Et donc, il faut aujourd'hui, pour s'en sortir, recruter de façon plus rapide, plus mobile, s'adapter aux nouvelles technologies, plus inclusives aussi, ouvrir un peu ses chakras et être peut-être un peu moins exigeants sur certains profils.
Et puis, bien sûr, le travail de la marque employeur, qui fait aussi vraiment la différence. Parce que quand le candidat de choix, il compare. Et donc, il va comparer les notes, les avis, les éléments concrets qui font qu'on va choisir une entreprise plutôt qu'une autre.
Alors des offres trouvent peut-être difficilement preneur. Pour certaines, il faut avoir une formation, peut-être en particulier que n'ont pas les candidats qui souhaiteraient postuler. Qu'est-ce qui peut être fait, notamment en matière de formation interne du côté des entreprises ?
Alors, c'est un enjeu majeur. Pour fidéliser ses collaborateurs, quand on a du mal à recruter, il faut éviter de faire partir ses propres collaborateurs. Donc déjà, il faut former ses collaborateurs tout simplement pour adapter les compétences qui doivent elles-mêmes évoluer, s'adapter au marché parce que l'entreprise évolue, les besoins des clients évoluent. Donc, les compétences des collaborateurs doivent évoluer. Une entreprise qui ne s'adapte pas, elle meurt. Et c'est la même chose pour les compétences.
Le tutorat, l'apprentissage, l'e-learning sont autant de leviers très utiles, pour ne pas dire indispensables aujourd'hui, d'avoir une formation tout au long de sa vie professionnelle.
Quelles possibilités, maintenant, ont les entreprises de faire venir des talents pour qui les conditions de travail, alors, physiques ou horaires, sont des freins à l'embauche ?
J'ai toujours tendance à dire qu'il y a un candidat qui correspond forcément à une offre. Encore faut-il donner envie. Donc, plus le métier est pénible, moins le salaire est attractif, plus il faut travailler sur d'autres leviers.
Donc, c'est parfois adapter le poste ou ses exigences pour avoir un meilleur matching entre les exigences potentielles du candidat et celles du recruteur.
Donc, on peut jouer sur la rémunération, la rémunération fixe ou variable. On peut jouer sur les horaires de travail. On peut jouer sur la qualité du management, qui est un élément essentiel, sur la formation, ou sur les avantages.
Et puisque vous parliez de l'attractivité de la rémunération, continuons sur cette question, la question du salaire, qui est également une donnée importante pour les candidats à la recherche d'un emploi. Depuis le mois de septembre, vous incitez les entreprises à publier dans leurs offres d'emploi les salaires qui vont avec le poste à pourvoir. Pour quelles raisons ce souhait d'encore peut-être un peu plus de transparence ?
On a toujours demandé aux entreprises de le faire, justement par désir de transparence et d'équité hommes-femmes, parce que c'est un des premiers critères de discrimination. Donc, quand on n'affiche pas la rémunération avant, on peut penser que selon que ça soit tel ou tel type de candidat, la rémunération sera différente dans la négociation.
Donc au moins, quand on affiche au début, on se base bien sur un métier, des compétences, et non pas sur le profil de la personne qui va postuler. Il n'y a pas d'obligation à date, mais il faut savoir qu'il y a une directive européenne. Et dans certains pays, aux États-Unis, dans certains États, ça devient une loi.
Donc il se peut que dans les mois ou dans les années qui viennent, assez vite, justement, il y ait une obligation. Et la directive européenne propose que toutes les entreprises de plus de 50 salariés doivent demain, on ne sait pas encore quand exactement, afficher les salaires pour justement plus de transparence.
Et en termes de chiffres, il ne faut surtout pas oublier que si vous avez du mal à recruter quand vous n'affichez pas le salaire, vous perdez 80 % de clics. Donc 80 % des candidats ne cliqueront même pas sur votre offre pour la lire. Donc, ça va vous apporter aussi plus de visibilité, en sachant qu'aujourd'hui, en plus, il y a que 25 % des offres d'emploi qui affichent un salaire.
En attendant, la directive européenne, si elle est appliquée, pour les entreprises qui ne voudraient pas jouer le jeu sur la transparence de la rémunération, elles peuvent continuer malgré tout à publier leurs offres.
Oui, il n'y a pas d'obligation, elles font ce qu'elles veulent. On recommande fortement et nos données prouvent que ça a un impact extrêmement positif. Ça leur fait gagner du temps aussi parce que de toute façon, on va finir par parler de salaires à un moment donné dans le processus de recrutement. Et donc, si on n’est pas en phase, on aura fait perdre du temps aux candidats. On aura fait perdre du temps au recruteur. Donc, c'est un gain de temps pour tout le monde d'avoir des candidats qui postulent en connaissance de cause. Le salaire étant un élément important du processus.
Et vous publiez, vous, de votre côté une fourchette de salaire ?
Alors, on publie lorsqu'on peut le faire et qu'on a assez d'éléments comparatifs. Sur le site Indeed, vous avez 3 onglets en haut, le troisième onglet c'est Salaires, et donc, il y a des estimations de salaires. Donc chaque candidat peut, et même recruteur, pourra voir une vision de ce qu'est le marché, taper le nom du métier sur la zone géographique, département, région ou au niveau national, ça va donner une estimation.
Et parfois, on met aussi sur certaines offres d'emploi, les salaires estimés au regard des salaires qu'on a constatés dans cette entreprise à travers les avis ou les salaires qu'elle a pu déposer, parfois de façon ponctuelle.
Quelles ont été les réactions des entreprises justement face à cette incitation, je dirais à plus de transparence ?
Alors côté candidats, déjà, tous sont pour, ça, il faut bien le redire. Côté entreprises, c'est plus compliqué.
La transparence, elle, n'est pas évidente dans beaucoup d'entreprises, souvent parce qu'elles ne sont pas à l'aise elle-même en interne. Que peut-être une grille de salaires n'est pas forcément existante, premier sujet. Et deuxième sujet qu'on entend souvent, c'est que les entreprises ont l'impression de ne pas être assez compétitives par rapport au marché. D’où l'intérêt d'avoir des chiffres réels sur lesquels s'appuyer. Et on se rend compte que dans 9 cas sur 10, les salaires proposés par l'entreprise correspondent à la réalité du marché.
Alors, il paraît aussi que 9 Français sur 10 ont vu leurs salaires augmenter dans le privé. Des hausses de salaires qui augmentent moins vite que l'inflation, donc in fine, un salaire et un pouvoir d'achat qui baissent. Dans ces conditions, ça va rester compliqué pour les entreprises de recruter.
Oui, alors le salaire est un critère indispensable. Et en effet, on a beau augmenter le salaire, le pouvoir d'achat diminue si on a une inflation galopante.
Mais ce n'est pas le plus décisif dans le choix de l'entreprise, ça arrive plutôt en cinquième ou sixième position.
D'où l'intérêt de contrebalancer aussi les éléments de salaires avec d'autres critères comme les conditions de travail, les avantages, les horaires ou la localisation.
Si par exemple, je réduis mon trajet et que je dois prendre ma voiture, ça va jouer sur ma rémunération au final, parce que je vais dépenser moins d'argent pour me rendre sur mon lieu de travail. Augmenter la prise en charge de transports en commun, développer du covoiturage. Il y a tout un tas de choses qui peuvent être mises en place et qui peuvent bénéficier et contrebalancer un salaire qui ne serait pas assez élevé.
Alors, avec 54 % d'offres en plus sur la plateforme indeed.fr, on peut dire que le marché de l'emploi reste en faveur des personnes à la recherche d'un job.
Bien sûr, on a clairement basculé d'un marché de sélection à un marché de séduction. Quel que soit le secteur d'activité, il y a aujourd'hui plus d'offres que de candidats.
Si on ajoute aujourd'hui l'inflation aux difficultés pour les entreprises de rembourser leur PGE contracté en pleine pandémie, la guerre en Ukraine, les difficultés d'approvisionnement et d'accès aux matières premières, la sobriété énergétique pour éviter les restrictions, tout ça est très anxiogène. Sans vous demander de lire dans le marc de café, quelle va être la tendance sur le marché de l'emploi dans les mois à venir ?
Je ne me risquerais pas à lire dans le marc de café, en effet, mais il est clair que la hausse de ces offres va ralentir progressivement, plutôt au second semestre, d'après différentes études des différents économistes. Mais on restera quand même sur des difficultés majeures à recruter sur un grand nombre de métiers.
Donc, il ne faut pas oublier que même avec une croissance à zéro, il y aura un minimum d'un million de créations d'offres d'emploi d'ici à 2030, en raison du nombre croissant de départs à la retraite. Donc, il y a une problématique démographique qui s'ajoute au manque de compétences disponibles sur le marché.
Sur le marché de l'emploi, quels sont actuellement les territoires finalement en France, qui restent les plus dynamiques ?
Alors, la région PACA progresse le plus fortement, +68,6 % d’offres. Les Pays de la Loire, la Nouvelle-Aquitaine et l'Occitanie progressent également très fortement.
L'Île-de-France est l'une des régions avec la Normandie qui affiche la progression la moins importante, c’est +30 %, mais +30 % sur l'Île-de-France, c'est considérable parce que c'est le premier bassin d'emploi. Donc son impact reste fort.
Donc les bassins d'emploi qui éprouvent le moins de difficultés à recruter en tête l'Île-de-France ?
Ben oui, l'Île-de-France, parce que c'est le premier terreau de candidats. Il y a une densité de candidats assez importante, avec une mobilité géographique un peu plus facile que dans d'autres régions où parfois, il est difficile d'attirer des candidats qui ne sont finalement pas si loin, mais pour lesquels le trajet est compliqué.
Merci beaucoup Eric.