Jobnews by Indeed, c’est le podcast qui décrypte l’actualité de l’emploi.
Pour le gouvernement, le recul de l’âge légal de départ à la retraite est l’un des leviers « les plus efficaces » pour améliorer le maintien en emploi des seniors. Avec le passage progressif de 62 à 64 ans, l’exécutif a calculé que le nombre des 55 à 64 ans en emploi augmenterait de plus de 100 000 en 2025, trois fois plus en 2030. Conséquence, le taux d’emploi des plus de 60 ans gagnerait 2 points et 6 points respectivement pour atteindre 41,5 % à cet horizon.
D’après la dernière enquête de la DARES, consacrée aux séniors sur le marché du travail en 2021, le taux d’emploi de cette catégorie était de 56%, inférieur à celui de la moyenne de l’Union européenne, qui est de 60,5 %. À titre de comparaison, le taux d’emploi des séniors en Suède était de 76,9% il y a 2 ans.
Face à ce constat, que préconise Indeed pour favoriser le maintien plus longtemps dans l’emploi des séniors ? Face aux difficultés de recrutement des entreprises, est-ce que finalement pour les séniors, ce n’est pas la bonne nouvelle ? Les entreprises vont devoir par la force des choses se tourner vers cette population, et son taux d’emploi devrait donc continuer d’augmenter.
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Au moment où nous enregistrons cet épisode, nous sommes au lendemain d'une nouvelle journée d'action interprofessionnelle contre le projet de loi du gouvernement sur la réforme des retraites. Projet qui, s'il était voté en l'état par le Parlement, décalera notamment l'âge du départ légal à la retraite à 64 ans, 63 ans pour les personnes ayant commencé à travailler entre 20 et 21 ans. Un décalage qui pose aussi question, alors que dans le même temps, la France est l'un des pays où la part des personnes de 60 à 64 ans qui travaillent est la plus faible.
Bienvenue dans la saison 3 de Jobnews by Indeed, le podcast qui décrypte l'actu de l'emploi.
Un programme à retrouver dans son intégralité sur jobradio.fr, disponible également sur l'ensemble des plateformes de diffusion de podcasts.
Bonjour Charles Chantala. Bonjour.
En charge des relations avec les grandes entreprises françaises chez Indeed. Charles, pour le gouvernement, le recul de l'âge légal de départ à la retraite est l'un des leviers les plus efficaces pour améliorer le maintien en emploi des seniors. Avec le passage progressif de 62 à 64 ans, l’exécutif a calculé que le nombre des 55 à 64 ans en emploi augmenterait de plus de 100.000 en 2025, trois fois plus en 2030. Conséquence, le taux d’emploi dès 60 ans gagnerait 2 points et 6 points respectivement pour atteindre 41,5 % à cet horizon. Voilà pour quelques chiffres, quel est le positionnement d'Indeed sur ce constat et ces prévisions à venir ?
Il n'est pas étonnant que le gouvernement défende le projet de loi du gouvernement, donc je ne m'aventurerai pas sur les sujets politiques ou polémiques, mais il y a au moins une certitude, évidemment, c'est qu'on n'arrête pas d'analyser une tranche d'âge qui va de 55 à 64 ans, ce qui recouvre deux réalités différentes, des gens actuellement à la retraite, en âge d'être à la retraite et des gens qui ne le sont pas. Que le taux d'emploi des 62 à 64 ans explose dans les prochaines années, ça ne sera pas étonnant. Quant à la question de savoir si la réforme pourrait impacter positivement le taux d'emploi des gens qui sont déjà en âge de continuer à travailler, ce sont des conjectures. Il y a quand même deux grands indicateurs, des indices qui laissent à penser que c'est possible.
Tout d'abord, d'après une des études qu'on a effectuées avec OpinionWay, il y a effectivement encore un renoncement de la part de certains employeurs à recruter quelqu'un de 59, 60 ans, parce qu'on estime qu'il est trop près de la retraite et que finalement, l'investissement ne vaut pas le coup de dépenser de l'argent pour le recruter et le former alors que je n'aurai qu'un an ou deux de collaboration avec ce salarié, ce n'est pas suffisamment intéressant.
Deuxième élément qu'il faut garder à l'esprit, c'est le niveau de tension sur le marché du travail en ce moment. Cette tension elle est forte, mais surtout elle est structurelle et peut-être qu'on pourra revenir là-dessus, ça devrait continuer à mettre une certaine pression sur le taux d'emploi des seniors.
Effectivement, on y reviendra tout à l'heure. D’après la dernière enquête de la DARES, consacrée aux séniors sur le marché du travail en 2021, le taux d’emploi de cette catégorie était de 56 %, inférieur à celui de la moyenne de l’Union européenne, qui est lui calculé à 60,5 %. À titre de comparaison, le taux d’emploi des séniors en Suède était de 76,9 % il y a 2 ans. Face à ce constat, que préconise Indeed pour favoriser le maintien le plus longtemps possible dans l’emploi des séniors ?
Je pense qu'il y a un vrai changement de logiciel à opérer. Dans le débat public aujourd'hui encore en France on le voit bien, l'emploi des seniors est présenté au mieux comme un dilemme, au pire comme un problème à régler. Alors que concrètement, c'est potentiellement un des leviers pour résoudre un sujet dont je viens de parler, qui est la question de la tension du recrutement, que beaucoup de recruteurs commencent à admettre ressentir de manière très importante.
Je pense que concrètement, il faut déjà repenser les types de rôles qu'on estime être destinés aux seniors et puis au-delà d'ouvrir de nouveaux rôles à ces seniors, en tout cas des postes qui historiquement on consacrait plutôt aux jeunes, il va falloir adapter nos conditions de travail, ou encore nos techniques d'attraction des talents. Il y a assez peu de recruteurs aujourd'hui qui mettent en place des messages et des politiques de recrutement qui s'adressent spécifiquement à cette tranche d'âge.
Je pense qu'il faut commencer par lutter contre nos préjugés. Quand on demande aux employeurs les raisons de leur réticence à recruter des seniors, en général ils nous répondent des choses qui sont plutôt infondées.
56 % du taux d'employabilité sur cette tranche d'âge, dans le même temps, toujours selon la DARES, le taux d'emploi et d'activité des seniors est au plus haut depuis 1975, comment est-ce que ça s'explique ?
Tout n'est pas noir, loin s'en faut. Le taux d'emploi, ne serait-ce que depuis l'an 2000, a explosé et il continue d'augmenter d'à peu près 1 point par an entre 2000 et 2021.
Il y a plusieurs choses qui sont à l'œuvre, déjà, l'entrée en vigueur des réformes des retraites précédentes, le passage de 60 à 62 ans, mécaniquement, a augmenté de manière importante l'emploi sur cette tranche d'âge-là.
Ensuite, j'y reviens, mais les Français ont du mal à y croire, même les DRH, depuis plusieurs années, on est structurellement en train de sortir d'une situation de chômage de masse en France. Le covid a un peu brouillé les pistes, on s'est un peu perdu dans ces repères, mais la réalité, c'est que depuis quelques années avant le covid et depuis, le taux de chômage dans son ensemble baisse, le taux d'activité de l'ensemble de la population continue à monter.
Est-ce que cette évolution, qui semble a priori aller dans le bon sens, indique qu'il s'agit pour les seniors de vrais emplois à temps plein, ou on parle d'emplois précaires, ou partiels ?
Ce sont des vrais emplois, en revanche, il est vrai qu'on constate une plus grande proportion d'emplois à temps partiel chez les seniors, et même au sein des seniors, ce taux d'emplois partiels va en augmentant. Cependant, ce qui est peut-être un peu contre-intuitif, c'est que ça ne semble pas être du temps partiel subi. C'est-à-dire que dans la plupart des cas, ce sont des cumuls emploi-retraite, mais la proportion des seniors qui déclarent être en sous-emploi, c'est-à-dire à temps partiel et souhaitant travailler davantage, est en réalité au même niveau que la plupart des autres tranches d'âge.
Est-ce qu'il y a une différence dans le taux d'emploi et d'activité des femmes seniors par rapport aux hommes ?
Oui, clairement, là, c'est un des points où le bât blesse. C'est le cas dans toute l'Europe, mais la France ne fait pas exception. On a une proportion des femmes seniors actives qui est encore plus faible que chez les hommes avec 54 % au total. Mais le pire peut-être, c'est que non seulement elles sont moins actives, mais elles sont aussi en même temps moins souvent en retraite. C'est-à-dire qu'elles sont dans la case je ne suis ni en emploi, ni en formation, ni au chômage, ni en retraite, je suis entre deux statuts, beaucoup plus souvent elles sont en temps partiel, que les hommes. La réalité du chiffre du temps partiel que je viens d'évoquer avant, c'est qu'il est complètement biaisé sur la base du genre. C'est-à-dire qu'on a 32 % des femmes en emploi partiel et seulement 11 % des hommes. Donc là en revanche, on trouve un sous-emploi, beaucoup plus fréquemment, c'est un temps partiel subi, des femmes de 55, 58, 60 ans qui aimeraient travailler davantage et ne le peuvent pas. Encore une fois, là, le tableau est nettement plus noir pour les femmes seniors en France, il est très mauvais, pour des raisons historiques sans doute et culturelles à travers toute l'Europe.
Récemment, dans l'une des publications d'Indeed, vous faisiez référence à l'Institut Montaigne qui a publié un rapport détaillé avec 7 propositions économiques et sociales prioritaires pour justement favoriser l'emploi des seniors. On peut citer quelques-unes de ces propositions qui ont été évoquées par l'Institut Montaigne ?
Oui, ces propositions tournent essentiellement autour de deux grands axes.
Le premier consiste à encourager l'embauche des seniors, ça peut passer par des propositions de contrats spéciaux, en tout cas, c'est une des pistes évoquées par l'Institut Montaigne, ou une baisse des cotisations sur l'emploi de cette tranche de la population. Et le deuxième axe, ce serait de faciliter les aménagements de fin de carrière, que ce soit par le fait de signer des conventions au sein de telle ou telle branche, pour permettre de baisser volontairement son temps de travail en échange d'une baisse de la rémunération. Il vaut mieux rester en emploi plutôt que de ne pas avoir d'emploi du tout, ou encore de créer un droit, même à recourir volontairement à un aménagement du temps de travail pour ceux qui peuvent se le permettre et qui le souhaitent.
Les autres pistes, ce serait par exemple de déplafonner le CPF, on voit bien qu'on a un enjeu aussi de se former toute sa vie. De le déplafonner au-delà de 50 ans et enfin d'instaurer un index senior qui est une des propositions qui a été reprise par le gouvernement dans le cadre du projet de loi actuellement en cours de débat.
On connait Indeed pour le métamoteur de recherche d'offres d'emploi, vous publiez régulièrement, également, des études et une récente étude justement menée par Indeed en collaboration avec OpinionWay met en lumière l'inquiétude des employeurs dans un contexte économique qui leur est moins favorable, il faut bien le dire, ils peinent à recruter, 63 % d'entre eux craignent de devoir faire face à un manque de main d'œuvre dans leur secteur en raison du vieillissement de la population. Face à toutes ces difficultés de recrutement des entreprises, est-ce que finalement pour les seniors, ce n'est pas la bonne nouvelle qu'on pouvait attendre ? C'est-à-dire que les entreprises vont forcément devoir, par la force des choses, se tourner vers cette population et son taux d'emploi devrait logiquement continuer de progresser.
Tout à fait, c'est l'aubaine, en quelque sorte, pour les seniors, c'est que, que les entreprises le souhaitent ou non, elles devront recruter des seniors. La situation du chômage qui baisse ces dernières années, je l'ai dit il y a quelques minutes, n'est pas du tout conjoncturelle, elle n'est pas liée à un dynamisme économique particulièrement impressionnant en France. Les taux de croissances sont, sommes toute, moyens, et pour autant on rentre dans un monde ou structurellement, pour des raisons démographiques, le taux d'emploi et le taux de chômage vont continuer respectivement à monter et à baisser, c'est-à-dire qu'on va avoir une situation sur le marché de l'emploi, qui va être une situation de pénurie dans de très nombreuses industries pendant des décennies. C'est vraiment un changement de logiciel, il est normal qu'on ait des difficultés à s'adapter puisque la plupart d'entre nous n'a jamais connu autre chose que le chômage de masse. Mais de fait, les seniors, un petit peu comme les plus jeunes ces dernières années vont bénéficier de cet effet de rattrapage, puisqu'ils constituent un des derniers pools, toutes industries confondues et toutes spécialisations confondues, de candidats qui n'est pas tout à fait exploités par les recruteurs.
Justement comment se situe le chômage des seniors par rapport aux autres catégories, actuellement ?
Il est en dessous de la moyenne nationale d'environ 1 point, puisqu'il est de 6,3 % aujourd'hui.
Ok, alors, difficile aussi de répondre à cette question, parce que dans leurs annonces, les entreprises n'ont pas le droit de faire de la discrimination, même positive, donc on ne verra pas d'annonces mentionnant uniquement par exemple, le recrutement de seniors. Malgré tout, est-ce qu'on a des indices est-ce qu'on a une idée des secteurs qui recrutent le plus de seniors actuellement ?
En effet, on n'a pas de moyen direct de le mesurer puisque au-delà du fait qu'on ne peut pas l'afficher dans des offres d'emploi, la loi française ne permet pas de recueillir des données démographiques et de publier des données démographiques, que ce soit sur la répartition homme-femme ou les âges de nos collaborateurs. En revanche, on voit des indices qui ne trompent pas. C'est-à-dire que de plus en plus d'annonces sur Indeed indiquent que tel ou tel poste est ouvert à toutes les générations.
De la même manière qu'on faisait des efforts pour intégrer des personnes souffrant d'un handicap, bien sûr, on ne va pas réserver ce poste-là, mais on va indiquer que le poste a été adapté. Au moins, on montre une ouverture à cette possibilité, ce qui est déjà un message, puisque la plupart des entreprises, on l'a dit, pour l'instant restaient dans un logiciel où on cherche plutôt à recruter l'âge dit idéal, à tort, c'est-à-dire en général, des professionnels qui ont entre 30 et 45 ans qui sont considérés dans la tranche d'âge idéale.
Des catégories de métiers qui embauchent davantage de seniors, difficile à dire, très souvent les premiers à innover et donc à aller piocher dans ces derniers viviers de candidats disponibles, ce sont les métiers qui sont le plus en tension.
Je pense qu'il va falloir distinguer dans le cas des seniors, deux cas de figure. Les cas de figure où, pour des raisons historiques et culturelles comme dans l'hôtellerie et la restauration on s'imagine que ce sont des métiers pour les jeunes alors qu'en réalité avec certains aménagements du temps de travail et des conditions de travail, on pourrait attirer des personnes de plus de 50 ans, de plus de 55 ans. À l'inverse, il faut rester raisonnable sur des métiers comme le BTP ou l'industrie en l'absence par exemple dans l'industrie d'une forte robotisation, il est peine perdue d'imaginer qu'on va recruter massivement des personnes de plus de 60 ans. Paradoxalement, la robotisation de notre industrie que certains croient être une menace, en réalité tous les pays qui l'ont réussie ont démontré que ça allait de pair avec une possibilité d'embaucher des personnes de plus en plus âgées et de maintenir en emploi des personnes qu'actuellement en France on ne pourra pas embaucher pour travailler dans ces usines.
Alors, on a pu dire, à juste titre ou pas d'ailleurs, que ça pouvait couter plus cher en termes de rémunération d'embaucher un collaborateur senior qu'un jeune collaborateur. Pour autant, rapidement, et cela pour faire suite à une étude Indeed OpinionWay dont on a déjà parlée, est-ce qu'on peut rappeler aujourd'hui quels sont les principaux freins des entreprises au recrutement d'un collaborateur senior ?
Rapidement, il y en a trois, la première, tu l'as évoquée, c'est la perception que les attentes en termes de rémunération seront trop élevées. Celle-ci, elle est discutable dans un monde où encore une fois, on va beaucoup se reconvertir dans notre vie et que certains d'entre nous, à 55 ans, n'auront que 2 ans d'expérience dans un job.
La deuxième, c'est la crainte d'un souci de santé. Et là encore, c'est un biais qui n'est pas tout à fait vérifié par la réalité, puisqu'en nombre d'arrêts maladie, pour 1000 seniors, il est plus faible que chez les jeunes.
Et la dernière partie, c'est la capacité à prendre en main des outils numériques, là, bien sûr qu'il y a des tranches d'âge qui sont un petit peu moins à l'aise avec des nouveaux outils du numérique. Mais il va falloir se faire à l'idée que bientôt les seniors auront grandi avec une PlayStation à la maison et un téléphone portable à partir de l'âge de 15 ou 20 ans, pas à 40.
Oui, le minitel, il y a longtemps qu'il a été rangé dans le placard. Dans le cadre du projet de réforme des retraites le gouvernement prévoit d'imposer à une grande partie des entreprises de publier un index senior qui témoigne de la situation où elle se trouve en matière d'emploi des plus âgés. Alors, ça se fera ou ça ne se fera pas, mais la vraie question que j'ai envie de te poser, c'est est-ce qu'il faut légiférer pour continuer d'améliorer le taux d'employabilité des seniors ?
Oui, en tout cas, je pense que sur certains sujets ça peut provoquer, s'il n'y a pas de mouvement volontaire ça peut provoquer un électrochoc, en tout cas, légiférer dans le sens par exemple d'un baromètre qui va révéler au grand jour les changements de pratiques effectifs au sein des entreprises et pour permettre de le distinguer des effets d'annonces, ça ne peut qu'être positif. On voit qu'on a parfois du mal à distinguer les affichages qui sont effectués sur le sujet de l'égalité hommes-femmes ou de l'emploi des seniors.
Le taux d'emploi de ces personnes-là au sein de telle ou telle entreprise sont des révélateurs, non seulement des discriminations réelles ou non à l'embauche, mais aussi de la qualité de l'accompagnement de ces personnes une fois qu'ils sont dans l'entreprise, les chances qu'ils y restent et est-ce qu'ils y sont épanouis. Il existe déjà beaucoup de manières de se renseigner là-dessus, un site comme Glassdoor ou même les avis qu'on retrouve sur les entreprises dans Indeed en disent énormément sur la réalité du travail derrière les vitrines et les effets d'affichage. Mais il n'y a rien de plus parlant qu'un taux d'emploi pour révéler si les gens ont vraiment changé de pratiques.
Merci Charles d'avoir répondu à mes questions.