Sur le marché du travail aujourd'hui, les entreprises peinent à trouver des talents en raison de pénuries de main d’œuvre. En effet : 82 % des recruteurs déclarent rencontrer des difficultés à recruter.
Mais comment expliquer cette pénurie de talents et ces difficultés de recrutement ? Les talents se font-ils rares ou les recruteurs passent-ils à côté de la perle rare ?
Pour mieux comprendre et analyser les difficultés croissantes en matière de recrutement, Indeed a mené une étude en partenariat avec Opinion Way qui confronte le point de vue des recruteurs à celui des chercheurs d’emploi.
Les principaux enseignements de l'étude
- Les salariés, qu’ils soient recruteurs ou en recherche d’emploi, partagent le même constat d’un marché du recrutement en tension.
- Le contenu des annonces se révèle souvent comme un frein, notamment pour les salariés cherchant à changer d’emploi mais qui ne s’y retrouvent pas. Intimidés par les compétences demandées, les talents n’osent pas postuler parce qu’ils ne réunissent pas tous les critères attendus. Les salariés en recherche d’emploi estiment que les recruteurs demeurent trop exigeants.
- L’existence encore forte aujourd’hui d’une culture du « profil idéal » pèse sur les recrutements, incitant les recruteurs à préférer les candidatures cochant toutes les cases à celles plus atypiques et les candidats les plus audacieux à mentir pour passer cette barrière.
- La mise en avant des soft skills dans les candidatures apparait comme déterminante pour interpeler les recruteurs aujourd’hui, ces derniers jugeant ces atouts trop souvent absents des CV reçus.
- Aujourd’hui, les recruteurs anticipent une pérennisation des difficultés de recrutement, les obligeant à revoir leurs pratiques en matière d'embauche. Si la formation constitue une réponse pour ces derniers, c’est avant tout la nécessité de faire preuve d’audace, à la fois au sein des entreprises et parmi les candidats, qui prime.
- Les recruteurs apprennent ainsi progressivement à se montrer moins exigeants, à se montrer plus ouverts dès le stade de la rédaction de l’offre d’emploi en intégrant des mentions invitant les profils plus atypiques à postuler. De leur côté, les talents affrontent leurs craintes de ne pas être au niveau et postulent à des annonces ne correspondant pas exactement à leur profil.
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Cette étude a été réalisée en février 2023 auprès de deux échantillons :
- un échantillon de 519 recruteurs - salariés participant au processus de recrutement dans leur entreprise, issu d’un échantillon de 1 495 salariés représentatif de la population des salariés des entreprises privées de 20 personnes et plus ;
- un échantillon de 517 candidats, issu d’un échantillon de 962 salariés représentatif de la population des salariés des entreprises privées de 20 personnes et plus.
Une culture du profil idéal qui incite les candidats à mentir sur leurs compétences réelles
Des difficultés de recrutement devenues la norme
Aujourd'hui, la pénurie de main d’œuvre est un fait : plus de 4 recruteurs sur 5 (82 %) déclarent rencontrer des difficultés à recruter.
Les problèmes relatés s’avèrent souvent plus complexes que la « seule » difficulté à recruter. Trouver le bon profil, correspondant à des critères précis, est également devenu un défi pour la quasi-totalité des managers s’investissant dans la phase de recrutement. 86 % des recruteurs éprouvent des difficultés à recruter un profil correspondant précisément aux critères envisagés pour le poste.
Tous les secteurs sont frappés par la pénurie de main d’œuvre. Toutefois, les managers travaillant dans les services ainsi que dans le commerce, les transports, l’hébergement et la restauration rencontrent un peu plus de difficultés à trouver des profils adaptés à leurs attentes : 87 % chacun contre 83 % dans l’industrie et le BTP.
C’est également le cas dans les petites et moyennes entreprises : 91 % des recruteurs d’entreprises de 20 à 49 salariés et 89 % des recruteurs d’entreprises de 50 à 249 salariés rapportent des difficultés contre 83 % dans les entreprises de plus de 1 000 salariés.
Plus en détail, ce sont les profils intermédiaires – ni seniors ni juniors – qui font le plus défaut (53 % dans le cas des profils spécifiques), mais les autres niveaux de statuts sont également concernés : environ un recruteur sur quatre rencontre des difficultés pour recruter des profils juniors (26 %) et autant pour les profils les plus seniors (22 %).
En France, une culture marquée du profil idéal
Alors que ces difficultés de recrutement sont croissantes depuis la crise sanitaire, l’ensemble des salariés interrogés, qu’ils soient côté RH ou candidats, estiment qu’en France, on ne donne pas assez leur chance aux profils atypiques.
89 % des candidats et 82 % des recruteurs pensent que les profils atypiques sont trop systématiquement mis de côté.
De fait, les recruteurs comme les candidats reconnaissent l’existence en France d’une forte culture du « profil idéal » qui complique les recrutements (respectivement 83 % et 90 %). Ce sentiment partagé d’une barrière bloquant ceux qui ne cocheraient pas toutes les cases s’avère particulièrement limitant dans le cadre de la recherche d’emploi. 90 % des talents évoquent un usage de se retenir de postuler à une annonce lorsqu’on estime ne pas avoir toutes les compétences demandées.
Or, 39 % des candidats jugent difficile de trouver des offres correspondant à leur profil. L’annonce constitue en effet un premier filtre pour écarter les profils qui ne seraient pas parfaits. Ce constat renforce l’idée que les entreprises se montreraient fermées aux candidatures les plus originales : pour 82 % des candidats, les recruteurs ne sont pas prêts à faire des concessions sur les profils recherchés.
Ne pas oser répondre à une annonce s’explique aussi par un certain complexe d’imposture qui persiste.
91 % des talents se sont déjà sentis intimidés par les compétences exigées dans une offre d’emploi au point de ne pas postuler.
Et pour cause, les trois quarts estiment nécessaire d’avoir a minima 70 % des compétences attendues pour pouvoir prétendre à une offre (74 %).
Contourner pour mieux postuler
Dans ce contexte, les talents les plus aventureux s’essaient à des méthodes plus ou moins avouables de contournement. 33 % d'entre eux reconnaissent faire du rage-applying, c'est-à-dire envoyer des CV sans être trop regardants sur les compétences demandées, simplement pour maximiser leurs chances de retours positifs de la part des entreprises. Mais concrètement, ils se montrent plutôt mesurés : seuls 19 % d’entre eux déclarent avoir envoyé plus de 10 candidatures depuis le début de leur recherche d’emploi (20 candidatures ou plus pour 8 % d’entre eux).
Autre technique moins glorieuse, le mensonge : 28 % des salariés en recherche d’emploi déclarent avoir déjà menti sur leur CV afin d’obtenir un entretien. Ces derniers sont 91 % à envisager réitérer. Reste que cette stratégie pourrait s’avérer payante puisque plus d’un recruteur sur deux (54 %) admet qu’un candidat qui de toute évidence ment sur ses compétences réelles mais sait se montrer convaincant aurait des chances d’obtenir le poste à pourvoir.
Un gap de perception sur les compétences attendues
Hard skills : un manque identifié surtout par les talents…
Les écarts entre les critères recherchés par les recruteurs et ceux qui seraient importants à en croire les talents révèlent de profonds écarts de perceptions entre les uns et les autres. Alors que les candidats semblent obnubilés par leurs hard skills (ou leur absence de hard skills plus précisément), les recruteurs font, eux, le constat d’un manque de soft skills chez les candidats qu’ils évaluent.
Les salariés recherchant actuellement un emploi attachent une importance très (trop) importante à certaines compétences qu’il leur manquerait…
Top 5 des compétences faisant défaut - perception des candidats | |
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Les compétences linguistiques | 29 % |
Le niveau de diplôme | 25 % |
Les compétences managériales | 21 % |
L'expérience professionnelle pertinente pour le poste | 20 % |
Les compétences métier spécifiques | 20 % |
Si ces atouts peuvent manquer aux candidats, ce ne sont pourtant pas ceux qui leur feraient le plus défaut d’après les recruteurs.
…Tandis que les recruteurs regrettent une absence de soft skills
Les managers impliqués dans les processus de recrutement racontent en effet une tout autre histoire, ou presque. S’ils trouvent aussi que les expériences professionnelles pertinentes et les compétences métier spécifiques sont parfois lacunaires, ce sont surtout les soft skills qui semblent le plus faire défaut aux candidats selon les recruteurs.
Top 5 des compétences faisant défaut - perception des recruteurs | |
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La rigueur | 37 % |
La débrouillardise | 31 % |
L'expérience professionnelle pertinente pour le poste | 27 % |
La capacité à travailler en équipe | 27 % |
Les compétences métier spécifiques | 24 % |
La rigueur est de loin la compétence qui manquerait le plus aux candidats aux yeux des recruteurs (37 %), suivi par la débrouillardise (31 %) et la capacité à travailler en équipe (27 %). Pour comparaison, les candidats ne sont respectivement que 8 %, 8 % et 13 % à se dire que leur candidature ne met pas assez en avant ces qualités.
Les recruteurs attachent une grande importance à ces trois compétences comportementales et semblent ne pas vouloir transiger. Seuls 16 % des managers impliqués dans les recrutements sont prêts à faire des concessions sur l’absence de rigueur, idem ou presque pour la débrouillardise (16 %) et la capacité à travailler en équipe (18 %). En revanche, le niveau de diplômes attendu et l’expérience professionnelle pertinente (bien que souvent manquante) peuvent faire l’objet de compromis.
Les critères sur lesquels les recruteurs sont prêts à faire des concessions | |
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Le niveau de diplôme | 32 % |
L'expérience professionnelle pertinente pour le poste | 28 % |
L'expérience professionnelle de manière générale | 27 % |
Les compétences métier spécifiques | 23 % |
Les compétences linguistiques | 22 % |
Les soft skills : un réel levier lors de candidatures s’éloignant des standards
Les salariés à la recherche d’un nouvel emploi se montrent conscients qu’il existe une carte à jouer lorsqu’ils sont confrontés à des annonces qui ne correspondent pas à leur profil. Alors que 39 % jugent difficile de trouver des annonces ciblant des profils comme le leur, savoir miser sur des compétences s’éloignant des compétences métier est plus que jamais nécessaire.
Ainsi, s’ils devaient postuler à une offre d’emploi ne correspondant pas à leur profil, les candidats miseraient avant tout sur ces trois sésames : 42 % d’entre eux mettraient en avant leur capacité à travailler en équipe (première place du classement), 41 % sur leur rigueur (deuxième place) et 38 % sur leur débrouillardise (quatrième place).
Formation et ouverture d’esprit : deux stratégies d’adaptation des recruteurs
De la nécessité de s’adapter sur le long terme
Les recruteurs réalisent que ces transformations ne sont sans doute pas éphémères, voire qu’elles n’en sont qu’à leurs prémisses. Près de deux tiers des recruteurs s’attendent à ce que, dans les 5 prochaines années, le recrutement de personnes possédant des compétences spécialisées se complexifie encore un peu plus (65 %). Parmi eux, 22 % estiment même que ces recrutements seront beaucoup plus difficiles. C’est plus particulièrement le cas dans le secteur du commerce, des transports, des hébergements et de la restauration (71 % vs 59 % dans les services).
Alors qu’ils déclarent davantage rencontrer des difficultés de recrutement, les recruteurs d’entreprises de 20 à 49 salariés sont moins pessimistes pour l’avenir : 34 % anticipent que les recrutement seront plus faciles dans 5 ans (contre 60 % anticipant plus de difficultés).
La formation pour remédier aux difficultés de recrutement
La situation en matière de recrutement a été plus que bouleversée, amenant les managers impliqués dans les processus de recrutement à revoir leurs habitudes, quitte parfois à remplacer les recrutements par d’autres stratégies. Aujourd’hui, la formation constitue un élément de réponse pour les recruteurs, en lieu et place du recrutement.
Trois types de formations émergent notamment : l’apprentissage, la formation en externe et la formation en interne. Plus de six recruteurs sur dix recrutent déjà des étudiants en apprentissage afin de les former aux enjeux spécifiques à leur entreprise (62 %). Ils sont également 42 % à encourager leurs collaborateurs à utiliser leur compte CPF pour privilégier une mobilité interne plutôt qu’un recrutement. Enfin, alors que 41 % déclarent déjà recruter des candidats n’ayant pas les compétences métier importantes pour le poste à pourvoir, 59 % des recruteurs se décident à former eux-mêmes les potentielles recrues qui auraient des lacunes.
Ces trois solutions comptent d’ailleurs parmi les pistes privilégiées des recruteurs anticipant des difficultés croissantes de recrutement à l’avenir. 48 % envisagent de développer des formations en interne pour pallier ce problème, 38 % recruter des étudiants en apprentissage et 32 % inciter leurs employés à faire des formations externes grâce au CPF. Recruter des profils à l’étranger n’est cité que par 16 % des managers interrogés.
De l’audace qui transforme positivement les entreprises
Mais la formation comme solution alternative ne suffit pas toujours et les recruteurs ont appris à faire preuve d’ouverture. Alors qu’ils reçoivent déjà des candidatures totalement hors des clous – 41% déclarent trouver souvent voire systématiquement dans leur boîte mail des candidatures ne correspondant ni aux critères recherchés ni même à l’annonce – les recruteurs sont prêts à se montrer moins exigeants d’emblée. 75 % d’entre eux reconnaissent d’ailleurs que c’est déjà le cas. Concrètement, 41 % des managers signalent que, dans les annonces qu’ils rédigent, ils mentionnent désormais que tous les profils, même les plus atypiques, sont les bienvenus. S’ils ne le font pas encore, 35 % déclarent qu’ils seraient prêts à adopter cette nouvelle habitude. Au total, ce serait donc 76 % des recruteurs disposés à intégrer à leurs annonces de recrutement que tous les profils, même les plus atypiques, sont les bienvenus.
Dans un contexte où près de 40 % des talents estiment difficile de trouver des annonces leur correspondant, cette petite mention favorable aux profils atypiques pourrait réellement changer la donne. D’autant qu’aujourd’hui, le bilan est plutôt bon.
60 % des recruteurs estiment que faire des concessions sur le profil des candidats recrutés a plutôt des conséquences positives sur leur entreprise, en apportant de nouveaux regards.
Reste que si l’ensemble des entreprises ne prend pas le pli tout de suite, l’audace des candidats paye aussi. Plus de deux tiers des talents qui ont tenté leur chance en postulant à une offre ne correspondant pas tout à fait à leur profil ont obtenu un entretien d’embauche (68 % dont 33 % plusieurs fois) et 55 % se sont vu proposer le poste (23 % plusieurs fois).
Et pour cause, 85 % des recruteurs reconnaissent être prêts à recruter un candidat n'ayant certes pas toutes les compétences attendues mais qui assume ses lacunes et se montre volontaire.