L'essor de l'IA générative apporte à la fois des opportunités et des défis majeurs à relever. La récente enquête « Le monde de demain : lieu de travail et main d’œuvre du futur » d'Indeed révèle l'importance cruciale de l'adaptabilité face à ces transformations. Comment les entreprises, et surtout les RH, peuvent-elles accompagner cette transition et en tirer parti ? Quelles stratégies et perspectives faut-il adopter pour faire de l’IA un levier de croissance et d’innovation ? Cécile Dejoux, professeure des universités et conférencière sur l’intelligence artificielle nous donne les clés pour préparer dès aujourd’hui les compétences de demain.
Heureusement, les défis que l’IA générative présentent pour le futur des métiers et le développement des compétences n'entament pas le moral des salariés. L’enquête « Le monde de demain » d'Indeed, menée dans 11 pays auprès de plus 16 671 actifs, révèle qu'environ 71% des personnes interrogées anticipent une évolution des compétences nécessaires à leur poste au cours des cinq prochaines années, avec 44% qui envisagent des changements modérés et 27% des changements significatifs. L'enquête souligne également un niveau élevé de confiance parmi les travailleurs pour s'adapter à ces changements, avec 89% des personnes interrogées se sentant capables de s'adapter. La confiance est particulièrement élevée en Australie, aux États-Unis et en Inde.
Vers un changement de paradigme face à l’IA générative
Malgré cela, les RH doivent s'adapter à l'ère de l'IA en revoyant leurs méthodes de recrutement, de formation et de gestion du personnel. Ce sont eux qui doivent en priorité se former pour développer des compétences en gestion du changement et pour aider les employés à s'adapter aux transitions rapides imposées par l'IA générative. Cela signifie mettre en place des systèmes et des politiques qui supportent une gestion dynamique des talents, avec des stratégies de développement professionnel adaptatives et des processus de gestion qui peuvent fluctuer avec les besoins de l'entreprise. Les programmes de formation doivent eux aussi être modulaires et flexibles, permettant des mises à jour rapides et des adaptations en fonction des évolutions des technologies. Ceci est crucial pour rester pertinent dans un environnement où les compétences peuvent rapidement devenir obsolètes.
Éric Gras, spécialiste du marché du travail pour Indeed, insistait lors de la dernière rencontre du Indeed Leadership Connect Club sur « la capacité d'apprentissage et d'adaptation comme compétences clés pour tous les métiers face à l'impact de l'IA ». Il souligne également l'importance de former les travailleurs plus âgés, notamment parce qu'ils restent souvent plus longtemps dans les entreprises que les jeunes employés. Sachant que d’ici 2030, il y aura dans le monde 150 millions de travailleurs supplémentaires âgés d’au moins 55 ans, soit un quart des emplois. Cela équivaut à l’ensemble de la population active américaine. Les travailleurs plus âgés apportent une résilience et une expérience précieuses, tandis que les jeunes contribuent avec leur expertise technologique. En favorisant l'échange entre générations, les entreprises créent un environnement plus collaboratif, améliorent la productivité et augmentent le chiffre d'affaires. L'OCDE estime que cette collaboration pourrait accroître le PIB par habitant de près de 19 % en 30 ans.
Côté collaborateur, le constat est sans appel. Selon l’étude Indeed, les salariés ont confiance dans leurs compétences professionnelles, particulièrement en Inde (95 %), aux États-Unis (92 %) et en Australie (91 %). Les travailleurs sont optimistes face aux changements apportés par l'IA et se montrent prêts à s'adapter. Ils n’ont pas peur, ils voient davantage d'opportunités que de menaces dans ce nouveau monde du travail.
La nécessité de reconfigurer la gestion des talents
Cependant, sont-ils « IA compatible » ? Savent-ils trouver le bon outil, ont-ils développé un esprit critique, sont-ils capables de voir les biais humains et les biais dans les datas, sont-ils capables de trouver la bonne communauté pour chercher les bonnes réponses ? C’est pour cela que les ressources humaines doivent revoir « l'alphabet » de leur entreprise. Aujourd’hui, ce n’est plus seulement la suite bureautique qu’il faut maîtriser, ce sont des compétences transversales qu’il faut développer. Selon Cécile Dejoux, l’Inde est l’exemple à suivre : « en Inde, ils forment dans les universités et dans les entreprises à des compétences transversales qui sont le “b.a.-ba” de l’IA générative. Plus personne n'utilise PowerPoint. Ils utilisent tous Figma. Et pourtant Figma est exactement la même chose que PowerPoint, sauf que c’est data included. Donc vous baignez tout de suite dans le langage du code ». En résumé, pour être capable d’utiliser intelligemment les outils d’IA générative, il faudrait devenir un expert en data visualisation, savoir utiliser Figma et penser design. « C’est la base », selon Cécile Dejoux. L'étude d'Indeed met d’ailleurs en lumière une conscience croissante chez les employés et les employeurs de la nécessité de développer des compétences en analyse de données et en programmation IA.
Face à la déferlante des IA génératives, les managers sont-ils prêts ?
Mais quel est le degré de maturité des managers dans l’adoption de l’IA générative ? Cécile Dejoux et ses équipes à travers leurs recherches ont révélé qu’il y avait cinq niveaux de maturité. Tout commence par l’augmentation de la productivité, c’est le premier niveau. L'IA générative est ici un stagiaire bien formé, qui automatise les tâches répétitives (emails, présentations) pour libérer du temps pour des actions à plus forte valeur ajoutée. Le deuxième niveau, c’est la génération de contenu. Comme un freelance expert, l'IA générative produit du contenu en s'appuyant sur des données existantes et Internet. Des outils comme Bing Chat, WebPilot et QxBot aident à créer des quiz, à remodeler la prise de décisions et à innover. Le troisième, c’est l’individualisation et la personnalisation. L'IA est un secrétaire dévoué, qui révolutionne la personnalisation du contenu en adaptant les informations aux préférences de chacun. Des outils comme NOTION.AI et COPILOT résument les événements de la journée et créent des listes d'actions prioritaires. L’automatisation, c’est le quatrième niveau. L'IA générative devient un technicien expert, qui gère de manière autonome des processus complexes. Capable à la fois de créer une formation ou une campagne de communication et même de concevoir des solutions interactives qui améliorent l'expérience client et collaborateur. Le cinquième et dernier niveau, c’est l’augmentation des potentialités du manager. L'IA est à la fois l’assistant personnel et le « double numérique » du manager. « En lui donnant accès à toutes vos datas, elle sait qui vous êtes, vous la challengez, elle vous challenge. C’est l’IA qui pourra vous retrouver des infos égarées ou vous rappeler une idée évoquée », comme l’explique Cécile Dejoux. Votre second cerveau est donc né pour décupler vos capacités cognitives.
L’intégration de l’IA générative dans le monde du travail nécessite tout de même des garde-fous. Le Care Management est l’un d’eux. Car « Tous ceux qui travaillent avec de l’IA générative doutent. Parce qu'ils se disent : elle va plus vite, elle fait mieux », prévient Cécile Dejoux. Alors face à cette technologie, Cécile Dejoux recommande le management par le “Care”, une approche managériale globale en trois axes. Il y a tout d’abord le Self care, c’est-à-dire comment travailler en étant augmenté par l’IA, mais en préservant son estime de soi. Ensuite, il y a le Team Care, qui vise à soutenir et à engager les collaborateurs non seulement en augmentant leurs capacités via l'IA, mais aussi en valorisant les interactions humaines qui existent indépendamment de toute technologie. Enfin, le Planet Care, c’est une responsabilité écologique dans l'utilisation de l'IA. Ce qui implique de ne pas avoir recours à l’IA en permanence.
Protéger, prendre soin, former, préserver l’employabilité des collaborateurs sont les enjeux des entreprises face à l'IA générative. Les entreprises doivent donc adopter une stratégie proactive d'apprentissage et de développement continu, tout en intégrant une forte composante éthique pour gérer efficacement les défis posés par ces nouvelles technologies. Les RH sont donc les acteurs indispensables pour transformer les défis de l'IA en opportunités vers une croissance et une innovation toujours accrues.
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Découvrez ou retrouvez le travail de Cécile Dejoux sur son site, sa chaîne Youtube, ou ses cours en ligne : ChatGPT et IA : mode d'emploi pour managers et RH et CARE management pour soi et ses équipes.
Toutes les données et citations mentionnées proviennent du rapport “Le monde de demain : lieu de travail et main d’œuvre du futur” et de l’intervention de Cécile Dejoux au Indeed Leadership Connect Club du 25 avril 2024 à Paris.