L'avènement de l'intelligence artificielle générative modifie profondément le paysage professionnel, en particulier dans les domaines des ressources humaines et de la formation des collaborateurs. Quelles sont les stratégies et les approches nécessaires pour s'adapter efficacement à ces nouvelles technologies ? Réponses tirées de la conférence de Cécile Dejoux lors de la dernière rencontre du Indeed Leadership Connect Club et de l'étude réalisée par Indeed Le monde de demain : lieu de travail et main d’œuvre du futur.
La transformation numérique, notamment par les Intelligences Artificielles, révolutionne la gestion des talents en donnant la possibilité d'automatiser 90 % des tâches routinières des ressources humaines, selon Matt Burney, Conseiller stratégique principal chez Indeed. Ce qui offre aux entreprises un potentiel d'efficacité considérable. Matt Burney souligne aussi que « tout comme l'avant et l'après Internet, il y aura un avant et un après l'IA. Malgré ces avancées, ce changement ne nous mène pas vers un scénario dystopique, mais promet une collaboration plus efficace avec l'IA ». Selon Cécile Dejoux, professeure des universités, conférencière sur l’intelligence artificielle et autrice de "Ce sera l’IA et moi", l'IA générative « apporte une vraie disruption par rapport à l'IA classique ». L'intelligence artificielle générative représente donc une évolution majeure par rapport aux technologies d'IA précédentes. La différence fondamentale entre ces deux approches est que l'IA traditionnelle, souvent axée sur l'optimisation et l'amélioration des processus existants, utilise les données pour prendre des décisions ou effectuer des tâches prédéfinies. Tandis que l'IA générative étend l'usage de l'IA à la création et l'innovation. Ce type d'IA est capable de créer des contenus réalistes et convaincants qui peuvent être difficiles à distinguer de créations produites par l’homme. Cela peut être du texte, des images, des vidéos, de la musique et même du code. « Cette technologie existe depuis 2017, ce n'est donc pas à une révolution scientifique. C’est une révolution d'usages, car tout le monde peut désormais l'utiliser », explique Cécile Dejoux. Aujourd’hui, plus besoin de compétences avancées en codage pour utiliser les dernières versions de ChatGPT4 ou de DALL-E3, seul un bon prompt est utile pour obtenir un livrable intéressant.
L'IA générative redéfinit les règles du jeu
Cependant, dans le monde merveilleux de l’IA générative, tout n’est pas rose. Les méthodes utilisées durant la transformation numérique, telles que le “design thinking” et l'agilité ne sont plus efficaces face à l'IA générative en raison de la rapidité du changement des outils et des usages. Comme le dit Cécile Dejoux, « aujourd’hui sur l’IA générative, le fait de former quelqu’un est plus lent que le besoin qu’on a. Et quand la personne est formée, le besoin a changé ». Les compétences requises pour une utilisation optimale de l’IA générative changent plus vite que les formations dispensées. Ce qui crée un décalage dans les compétences disponibles. La vitesse, à laquelle les outils d'IA évoluent, rend obsolète les méthodes traditionnelles de travail et nécessite une adaptation continue. Les acteurs RH doivent anticiper l'émergence de nouvelles compétences et métiers liés à l'IA générative, aux nouvelles façons de travailler et au changement permanent. Ils doivent aussi gérer la redistribution des tâches tout en prévenant les risques psychosociaux et en veillant à la qualité de vie au travail face à des outils ultra-rapides. L'IA générative impacte directement les métiers d'indépendants tels que traducteurs, copywriters, graphistes et photographes, soulevant des questions éthiques pour les entreprises. Dans ce contexte de bouleversement, on observe une augmentation des reconversions professionnelles.
Réinventer la connaissance à l'ère de l'IA générative
Les changements sont donc déjà visibles, les organisations n’ont pas d’autre choix que de s’adapter. Les entreprises doivent allier agilité, fluidité et réussite. Comme Ravin Jesuthasan, co-auteur de "Work without Jobs", le souligne, il faut « créer des zones où vous pourrez essayer de nouvelles choses, les réfuter, en tirer les enseignements nécessaires, recommencer et évoluer ». Passer à un système basé sur les compétences implique de déconstruire 140 ans d'habitudes professionnelles. Et les avantages sont nombreux, comme l'adoption plus rapide des technologies émergentes, une méthode de travail plus agile, et un écosystème de talents plus large. Les résultats incluent une rentabilité accrue et une meilleure intégration des compétences. Cette méthode devrait s’appliquer dès le plus jeune âge, comme l’explique Ravin Jesuthasan, « les enfants devraient plutôt s'interroger sur leurs compétences ou leurs passions. S'ils ont un bon esprit critique ou qu'ils trouvent facilement des solutions à un problème, ils peuvent effectuer le travail qui requiert ces compétences, dans le secteur informatique, les ressources humaines ou la finance ». L'apprentissage à vie est aussi essentiel, car les compétences techniques évoluent rapidement, nécessitant une reconversion professionnelle régulière.
Ravin Jesuthasan nous donne l’exemple de l'Université Harvard et l'Université nationale de Singapour qui permettent l'apprentissage à vie. « Si vous y avez obtenu un diplôme, vous avez un accès gratuit et illimité à toutes les ressources d'apprentissage qu'elles possèdent : il peut s'agir d'un cours, d'un programme en ligne ou même d'un emprunt à la bibliothèque. Si vous y avez fait vos études, elles vous soutiennent pour le restant de votre carrière ». S'adapter à un monde en constante évolution, c’est le défi que doivent relever les entreprises. D’ailleurs, celles-ci économisent davantage en formant et en reconvertissant les talents existants plutôt qu'en recrutant. Les RH doivent devenir des gestionnaires du travail, créant un modèle flexible et fluide pour répondre aux besoins changeants de l'organisation et des collaborateurs.
Selon Laetitia Vitaud, autrice de "En finir avec la productivité", « les trois à quatre années d'étude à l'université́ nécessaires pour un travail de comptable ne suffiront bientôt plus pour toute une carrière. Tout le monde devra se reconvertir de manière conséquente, en passant d'un domaine à un autre, au moins trois fois au cours de sa carrière ».
Outre les compétences techniques, il est crucial de former les collaborateurs aux implications éthiques de l'IA générative. Cela inclut la compréhension des biais potentiels, la gestion de la confidentialité des données et la sensibilisation aux conséquences sociales de l'automatisation. Développer une réflexion critique parmi les collaborateurs pour naviguer dans ce nouveau paysage avec prudence est essentiel. Il ne faut pas oublier comme le précise Cécile Dejoux que « l'IA est une voleuse, elle vous vole votre temps, elle vous vole votre attention, elle vous vole vos données. Elle vous vole tout ce que vous écrivez ».
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Découvrez ou retrouvez le travail de Cécile Dejoux sur son site, sa chaîne Youtube, ou ses cours en ligne : ChatGPT et IA : mode d'emploi pour managers et RH et CARE management pour soi et ses équipes.
Toutes les données et citations mentionnées proviennent du rapport “Le monde de demain : lieu de travail et main d’œuvre du futur” et de l’intervention de Cécile Dejoux au Indeed Leadership Connect Club du 25 avril 2024 à Paris.