Le 4 novembre 2022 à 9h10, les Françaises ont commencé à travailler bénévolement. C’est tout le moins ce qu’annonce le collectif féministe Les Glorieuses cette année. La date a été calculée à partir de l'écart de salaire, estimé à 16,5%. En 2016, la date à laquelle les femmes devaient avoir le droit de s’arrêter de travailler avait été fixée au 7 novembre : une date qui ne cesse d’avancer donc, signifiant des écarts de rémunération qui se creusent.
Pour mieux comprendre et analyser la perception des inégalités salariales entre femmes et hommes par les salariés et les dirigeants d’entreprises privées, Indeed a réalisé une étude récente à ce sujet.
L'étude révèle quelques grands enseignements
- Les inégalités salariales perdurent en 2022. Et de nombreux salariés, en particulier les femmes, en ressentent clairement les effets. Toutefois, ces inégalités ne sont que rarement perçues par les dirigeants au sein de leur propre entreprise, même si presque tous se disent conscients de l’existence de ce problème à l’échelle nationale.
- Insatisfaits, les salariés expriment clairement leurs attentes pour lutter contre les inégalités salariales. Et c’est évidemment particulièrement vrai pour les femmes qui considèrent majoritairement que les hommes sont favorisés dans l’entreprise tant pour le salaire que pour l’avancement de carrière.
- La transparence, dès la publication des offres d’emploi, apparait comme cruciale pour mettre un terme aux inégalités salariales.
- Si la grande majorité des personnes interrogées, dirigeants et salariés confondus, s’accorde à dire que les inégalités salariales ne devraient plus exister, certaines mesures visant à les enrayer semblent constituer de réels points de clivage. C’est le cas de la transparence totale des salaires de l’intégralité des membres de l’entreprise, solution rejetée par les dirigeants mais souhaitée par près de 7 salariés sur 10.
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L’étude « Les inégalités salariales en 2022 », réalisée pour Indeed en octobre 2022 par OpinionWay, est destinée à comprendre et analyser la perception des inégalités salariales entre femmes et hommes par les salariés et les dirigeants d’entreprises privées. Elle a été réalisée auprès de deux échantillons, le premier de 305 dirigeants d’entreprise, représentatif des entreprises privées de 20 salariés et plus ; et le second de 1003 salariés, représentatif de la population des salariés des entreprises privées de 20 salariés et plus.
Les femmes ressentent toujours majoritairement les inégalités salariales
Tout juste un peu plus d’un salarié sur deux déclare être satisfait de son salaire : c’est le cas de 56 % d’entre eux, dont seulement 10 % qui se disent très satisfaits. 44 % des salariés déclarent pour leur part ne pas juger leur salaire suffisant. Si le mécontentement est partagé par les travailleuses et les travailleurs, le chiffre est encore plus élevé parmi les femmes : 48 % d’entre elles s’estiment insatisfaites de leur salaire contre 41 % des hommes. Et pour cause :
60 % des femmes salariées ont déjà constaté être moins bien payées que leurs homologues masculins de niveau équivalent.
Près d’une femme sur deux l’a déjà constaté plusieurs fois (45 %), dont une femme sur cinq qui en fait l’amer constat régulièrement (18 %). Ce bilan est d’ailleurs confirmé par l’ensemble des salariés : 59% des répondants (hommes comme femmes) ont déjà été témoins, dans leur entreprise, de femmes déclarant être moins payées que des hommes de niveau équivalent.
Si les femmes ont davantage eu vent de collègues femmes déplorant un salaire inférieur à celui d’un collègue homme de niveau équivalent (70% dont 58 % plusieurs fois et même 27 % régulièrement), les hommes l’ont aussi vécu (50 %, dont 38 % plusieurs fois).
L’observation inverse est moins vraie : 35 % des hommes ont déjà eu le sentiment d’être moins bien rémunérés que les femmes de leur entreprise. 30 % de l’ensemble des salariés ont déjà entendu parler d’hommes se plaignant d’être moins bien payés que des femmes de niveau équivalent.
Plusieurs éléments pourraient justifier ces écarts de salaire. Les ambitions professionnelles des femmes pourraient-elles être un facteur d’explication important ? 42 % des salariés ont le sentiment que les femmes ont des carrières qui se prêtent moins à des salaires élevés que les hommes. 25 % d’entre eux estiment que les femmes ont moins envie d'avoir des postes à responsabilités que les hommes.
Si ces justifications sont parfois davantage portées par les femmes que par les hommes (48 % d’entre elles ont le sentiment d’avoir des carrières qui se prêtent moins à des salaires élevés que leurs homologues masculins vs 38 % des hommes), c’est aussi parce qu’elles ressentent profondément le plafond de verre au-dessus de leurs têtes.
63 % des femmes ont le sentiment que dans leur entreprise les hommes sont privilégiés par rapport aux salariées en termes d’évolution de carrière.
Sur ces 63 %, ce sont 31 % des femmes qui le ressentent personnellement. 41 % des hommes approuvent.
Le sentiment général qu’il existe des traitements de faveur au bénéfice des hommes persiste. Si ce constat est principalement dressé par les femmes, il est également rapporté par une part importante d’hommes. Et la question du salaire est bien sûr primordiale : 64 % des femmes estiment qu’au sein de leur entreprise les hommes sont favorisés par rapport aux femmes en matière de niveau de rémunération, mais c’est aussi le cas de 42 % des hommes.
Des dirigeants qui se sentent peu concernés au sein de leur entreprise
Si les salariés, et notamment les femmes, sont majoritairement insatisfaits de leur rémunération, la perception est bien différente du côté des dirigeants d’entreprise qui semblent se voiler la face. Près de trois dirigeants sur quatre (72 %) estiment que leurs salariés sont satisfaits de leur salaire, soit un écart de 16 points par rapport au ressenti des salariés eux-mêmes.
L'écart entre les perceptions des salariés et des dirigeants se retrouve également sur le sujet des inégalités salariales déjà observées au sein de leur entreprise. Alors que près d’un salarié sur deux (49 %) déclare qu’il existe des inégalités salariales au sein de son entreprise, seuls 11 % des dirigeants partagent ce constat.
Aussi, tout juste un peu plus d’un dirigeant sur dix a le souvenir d’avoir déjà été confronté à des femmes salariées dans son entreprise déclarant être moins bien payées que des salariés hommes de niveau équivalent (13% contre 59% des salariés rapportant avoir déjà vécu cette situation). Tout se passe comme si la question des inégalités salariales n’avait jamais été au cœur des enjeux au sein de leur propre entreprise. Pourtant, les entreprises comptant 50 salariés et plus dressent pourtant un tableau un peu moins idyllique que les autres : 17 % d’entre elles reconnaissent avoir déjà compté en leur sein des femmes salariées déplorant des inégalités salariales en leur défaveur.
Ils sont par ailleurs moins tendres avec les autres entreprises de leur secteur d’activité qu’avec eux-mêmes : selon 43 % des dirigeants d’entreprises de 20 salariés et plus, les inégalités salariales entre hommes et femmes sont bel et bien présentes chez la concurrence (47 % selon les entreprises de 50 salariés et plus).
Les dirigeants minimiserait ainsi le problème dans leur entreprise. Pourtant, ils affirment être bien conscients de ce problème de société : 85 % des dirigeants interrogés perçoivent les inégalités salariales comme un problème qui existe toujours au niveau national. Une dirigeante sur trois rapporte d’ailleurs avoir elle-même subi des inégalités salariales au cours de sa carrière (36 % contre 18 % des hommes dirigeants). Les dirigeantes de 45 ans ou plus sont même 42 % dans ce cas.
Des entreprises impliquées dans la lutte contre les inégalités salariales
Si les dirigeants interrogés estiment que leur entreprise est épargnée par les inégalités salariales, il n’en demeure pas moins qu’ils ont des obligations légales. La très récente loi « Rixain » du 24 décembre 2021 comporte plusieurs mesures visant à une plus grande égalité entre les femmes et les hommes dans les entreprises de 1000 salariés et plus. Soit 0,01% des entreprises. Dès lors peu d’entreprises seraient contraintes de mettre à l’ordre du jour ces enjeux. Toutefois, d’autres textes de loi obligent les entreprises d’au moins 50 salariés à gommer les écarts de rémunérations constatés entre les femmes et les hommes.
Dans ce contexte, une majorité de dirigeants déclare que la lutte contre les inégalités salariales entre les femmes et les hommes constitue une priorité pour leur entreprise (59 %) voire une priorité à titre personnel (56 %). Dans les plus grandes structures, l’implication est davantage revendiquée : 67 % des dirigeants à la tête de 50 personnes ou plus déclarent que leur entreprise fait de la lutte contre les inégalités salariales une priorité, 63 % personnellement. Les femmes dirigeantes dans des entreprises de 50 salariés ou plus en sont toutefois moins convaincues (46 %).
Les salariés sont pour leur part 54 % à trouver que leur entreprise en fait une priorité. Résignés ou désintéressés, moins de la moitié d’entre eux (46 %) fait de la lutte contre ces inégalités une affaire personnelle. Les salariés considèrent que cette lutte incombe davantage aux dirigeants d’entreprise (30 %) ou, dans un second temps, au Gouvernement (18 %), aux femmes elles-mêmes (17 %) ou encore aux syndicats (15 %).
Mais des salariés peu conscients des efforts des entreprises
72 % des dirigeants déclarent avoir déjà mis en place au moins une action en faveur de l’égalité salariale dans leur entreprise, tandis que 51 % des salariés font le même constat pour leur employeur.
La méconnaissance des démarches en faveur de l’égalité salariale au sein de leur structure est importante : sur cinq mesures testées, les salariés sont plus du quart, voire plus du tiers, à déclarer ne pas savoir si elle a été mise en place ou non par leur employeur (entre 27 % et 38 %).
Dans le détail, ce sont les actions de promotions des femmes – obligation légale depuis 2020 pour les entreprises de plus de 250 salariés – qui sont les plus courantes : 58 % des dirigeants disent avoir mis en place (ou être en train de mettre en place) des actions de promotion des femmes à des postes décisionnaires dans tous les services et 52% s’assurer de la parité femmes-hommes au sein des comités exécutif (Comex) et de direction (Codir).
Si 85 % des dirigeants déclarent qu’il y a au moins une femme dirigeante dans leur entreprise, le sentiment d’inégalités en la matière persiste : 63 % des femmes salariées ont toujours le sentiment que leur entreprise favorise les hommes dans l’accès aux postes à responsabilité (et 44 % des hommes partagent cet avis). Notons aussi que seuls 8 % des dirigeants déclarent la présence d’une femme à la direction de leur service informatique, secteur encore largement masculin.
Viennent ensuite 2 mesures assez proches : donner des objectifs en matière d’égalité aux directeurs de services et aux managers et surveiller l’impact des congés maternité et parentaux sur l'avancement de carrière afin de le minimiser seraient des actions entreprises ou appliquées au sein de 40 % des entreprises de 20 salariés et plus. Et pour cause, la maternité reste un obstacle en entreprise : 74 % des femmes salariées s’accordent à dire que celles qui veulent progresser dans l'entreprise sont contraintes, au moins temporairement, de mettre leur désir de maternité de côté.
Enfin, l’organisation de sessions de sensibilisation aux inégalités femmes-hommes dans l’entreprise est encore peu envisagée ou mise en place par les dirigeants (13 %).
Les dirigeants d’entreprises de 50 salariés et plus sont particulièrement nombreux à avoir mis en place au moins une action (84 %, soit un écart de +12 points par rapport à l’ensemble) et ne se contentent de respecter les obligations légales. Plus d’un sur deux cherche à minimiser l’impact des congés maternité et parentaux (53 %, écart de +13 points) et donne des objectifs d’égalité salariale à ses cadres dirigeants (52 %, écart de +12 points). Plus d’un quart (26 %) organise même des sessions (ou en a l’intention) de sensibilisation aux inégalités (écart de +13 points).
La transparence, une attente forte de la part des salariés pour lutter contre les inégalités salariales
Cheval de bataille d’Indeed, la mention claire de la rémunération proposée dans les offres d’emploi est la mesure pour l’égalité salariale la mieux perçue par les salariés : 93% estiment qu’il s’agit d’une bonne chose… et 60% d’entre eux regrettent que ce ne soit pas encore appliqué dans leur entreprise à ce jour. Se voulant peut-être plus vertueux qu’ils ne le sont vraiment, 61% des dirigeants déclarent le faire d’ores et déjà (et 88 % estiment que c’est une bonne chose).

L’harmonisation des salaires à compétences égales est aussi largement plébiscitée par 92% des salariés et 94% des dirigeants. Mais là encore, la réalité des deux parties n’est pas la même : si seulement 34% des salariés déclarent que leur employeur a entamé cette régularisation, les dirigeants sont le double à estimer le faire aujourd’hui (67%).
Le fait de faire suivre aux membres des Codir et Comex des formations de sensibilisation aux inégalités fait consensus (92 % des salariés et 89 % des dirigeants y voient une bonne chose), même si aujourd’hui seuls 13 % des dirigeants déclarent en organiser dans leur entité… peut-être parce que 32 % des dirigeants y voient une action louable mais difficile à mettre en œuvre ?
Les mesures impliquant la publication d’informations concernant les inégalités salariales rencontrent une adhésion légèrement moins forte, bien que toujours majoritaire chez les salariés. La publication de l’écart de rémunération moyen entre les femmes et les hommes au sein de l’entreprise – aujourd’hui intégrée dans l’Index de l’égalité professionnelle que les entreprises d’au moins 50 salariés sont obligés de publier – serait une bonne chose pour 85 % d’entre eux, soit une approbation toujours massive alors que les dirigeants n’approuvent qu’à 69 %. L’idée qu’il s’agit d’une intention noble mais difficile à mettre en œuvre domine parmi les dirigeants (28 %) ex aequo avec le fait qu’il s’agirait d’une mauvaise initiative (28 % également).
Les dirigeants d’entreprises de 50 salariés et plus, contraints par cette règle, semblent s’être faits à l’idée de publier l'écart de rémunération moyen entre les femmes et les hommes au sein de leur entreprise : 78 % d’entre eux trouvent qu’il s’agit d’une bonne chose.
En revanche, le fait de rendre publics les salaires de tous les membres de l’entreprise est de loin la mesure la plus impopulaire pour les deux populations. Si 69 % des salariés approuvent, seuls 38 % des dirigeants estiment que c’est une bonne chose. Certes, les dirigeants sont conscients pour la majorité d’entre eux que leurs collaborateurs parlent ouvertement de leurs salaires (62 %), mais ils trouvent pour moitié ou presque que cette pratique est problématique (28 %). A l’inverse, les salariés apprécient cette transparence entre pairs (45 % trouvent bien de partager les montants perçus sur leurs fiches de paie). A ce titre, 77% des salariés parlant déjà ouvertement de leur salaire avec leurs collègues apprécieraient que soient rendus publics les salaires de tous les membres de leur entreprise.